Retour vers le futur…

Rarement je n’avais éprouvé la nécessité de prendre autant du recul après la réalisation d’un aussi long périple que ce Palmarès Ultra Revival Tour.
Il faut bien avouer que cet événement a dépassé de très loin tout ce que j’avais pu réaliser jusqu’à présent, tant au niveau de la préparation et de l’organisation qu’au niveau de l’aspect sportif en lui-même. D’où sans doute un atterrissage un peu brutal, à la limite du rejet. Les jours ont passé avec la volonté d’oublier et de me faire oublier après avoir eu le sentiment de m’être sur-exposé notamment en termes de responsabilité et de communication. Une fois arrivé, j’ai eu le désagréable sentiment de ne pas avoir su (ou pu) apprécier cette folle aventure avec comme seule envie de tourner au plus vite la page. Mais peu à peu, les images fortes de tous ces moments vécus au cours de cette semaine forcément inoubliable sont revenus à mon esprit.

Je reconnais que le pari était osé car c’est bel et bien d’un pari dont il s’agissait lorsqu’en octobre 2016, l’idée de ce petit délire m’est venu à l’esprit. Occupant mes trajets quotidiens en train entre Lyon et Valence à rechercher de nouvelles sources d’inspirations pour mes futures escapades, la carte du Tour de 1903 m’est apparue comme une révélation : 2400 km, des étapes marathon supérieures à 400 km, des départs au coeur de la nuit… L’ultra-distance avant l’heure ? Et si on tentait l’aventure plus d’un siècle après Maurice Garin en y ajoutant une touche personnelle qui consisterait à enchaîner ces étapes de folie en 6 jours, sans aucun répit contrairement au Tour de 1903 ? Lancée sur Facebook, l’idée suscita rapidement un certain engouement sous l’appellation « Ultra Revival Tour ».

Commença alors une longue phase de préparation pour définir les contours d’un tel défi puis pour mettre en place la logistique, trouver des partenaires, mobiliser une équipe pour l’assistance, assurer la promotion et la communication… Sans doute ai-je eu tort de ne pas suffisamment déléguer de tâches aux membres du petit groupe projet que nous avions mis en place au sein de l’association cyclosportissimo. Si bien que je me suis investi à 200% avec le souci de bien faire malgré des moyens, notamment financiers, très contraints.

Un break pour mieux savourer…

L’expérience fut néanmoins très enrichissante malgré le poids des responsabilités auxquelles j’ai du faire face. Jusque dans les dernières minutes précédentes le départ j’étais davantage organisateur que coureur. Un « statut » que je n’ai en fait jamais réellement abandonné tant je me suis senti responsable chaque jour du bon déroulement des choses. Si bien que l’aventure terminée, j’ai eu besoin de faire ce fameux break, de prendre du recul vis à vis d’un projet qui m’avait accaparé depuis des mois. Je regrette de n’avoir pu savourer et partager comme il se doit avec les autres participants la fin de cette si belle aventure. Trop épuisé par un stress grandissant au fil des jours compte tenu des petits signes de fatigue observés ici et là chez les uns et les autres avec la crainte qu’ils puissent occasionner des incidents voir des accidents aux conséquences éventuellement dramatiques, j’ai eu besoin de tourner la page de manière radicale pour me ressourcer et, je dois bien l’avouer, penser avant tout à moi et à ma petite famille que j’avais quelque peu mise entre parenthèse.

Ce break aura été salvateur et riche d’enseignements vis à vis d’une forme de surexposition dans laquelle je m’étais moi-même placé via le prisme des réseaux sociaux notamment.

Passée ce qui pourrait s’apparenter à une sorte de désintoxication, j’ai progressivement pris conscience de ce que nous étions parvenus à réaliser et surtout, de la formidable cohésion que nous avions réussi à maintenir tout au long de notre périple, tant entre les participants eux-mêmes, qu’au sein de l’équipe d’assistance.

Malgré des conditions climatiques parfois difficiles, malgré la longueur des étapes, malgré des temps de récupération très courts et malgré des « recharges caloriques » pas toujours adaptées, chacun à toujours fait preuve d’une motivation d’une bonne humeur exceptionnelles.

La solidarité au rendez-vous

La première étape nous conduisant jusqu’à Lyon fut rondement menée après un départ et une nuit copieusement arrosés. Ce fut la seule étape où le groupe ne resta pas uni jusqu’à l’arrivée non sans conséquences pour quelques participants contraints de prendre place trop tôt dans l’un des véhicules d’assistance. Mais dès le lendemain, la solidarité pris le pas sur les velléités individuelles des uns et des autres et c’est groupé que nous sommes arrivés à Marignane au terme d’une deuxième étape ensoleillée et accompagnés d’un léger mistral. En cours d’étape, des amis cyclos se mêlèrent à notre petit peloton pour partager un bout de chemin en notre compagnie. Le même scénario se reproduira sur chacune des étapes jusqu’à l’arrivée à Versailles.

Entre Marseille et Toulouse, la 3e étape longue de 400 kilomètres était l’une des plus redoutée en raison des risques de tramontane. Il n’en fut rien et c’est dans une ambiance quasi estivale que celle-ci se déroula avec quelques solides renforts de « régionaux de l’étape ». A l’issue de cette 3e étape, le cap de la mi-parcours venait d’être franchi. Prés de 1200 km étant d’ores et déjà dans la musette en 3 jours seulement… C’est malheureusement là où Pascal Bride du se résigner à quitter l’aventure afin de préserver ses tendons. Plus tôt, Geoffrey Betrémieux et Laurent Koskas en avaient fait de même au cours de la première étape pour des raisons différentes.

Du côté de notre « cousine » québécoise Jessica Bélisle, venue spécialement du Québec pour vivre cette aventure hors norme, tous les voyants étaient en revanche au vert après une round d’observation et de nombreuses interrogations tout au long de la première étape.

A voir Jessica évoluer au sein du groupe tant sur le vélo que lors des (cours) moments de récupération, elle donnait l’impression de nous connaître depuis toujours.

Son sourire et ses expressions typiquement québécoises apportèrent assurément une certaine fraîcheur à notre belle équipée. Au delà de ces considérations, Jessica nous a donné un aperçu de ses capacités sportives exceptionnelles qui en font un véritable phénomène de l’ultra-distance.

Cohabitation vélo / voiture : un danger permanent

Alors que la 4e étape nous conduisant de Toulouse à Bordeaux aurait pu s’apparenter à une étape de repos, ou plus exactement de transition compte tenu de sa « faible » distance (270 km), la météo en décida autrement. Le vent et la pluie ne nous épargnèrent pas et c’est trempés jusqu’aux os que nous arrivèrent à la Réole (km 205) où était situé le premier contrôle de l’étape. L’équipe d’assistance fut ce jour là d’une attention et d’un dévouement que nous ne sommes pas près d’oublier tant le réconfort qu’ils nous apportèrent permis à tout le monde de reprendre la route avec sérénité en direction de Bordeaux où là encore, des cyclos locaux nous servirent de guide dans le flot d’une circulation particulièrement intense qui restera comme une constance négative tout au long des 6 étapes.

Loin des routes bucoliques et tranquilles, l’itinéraire se voulant le plus proche de celui du Tour de 1903 nous contraint en effet à emprunter des routes à grandes circulation et la cohabitation avec les automobilistes nous offra un véritable tour de France des incivilités à l’égard des cyclistes dont nous sortirent fort heureusement indemnes non sans avoir néanmoins senti souvent le souffle de certains chauffards en puissance…

A partir de Bordeaux, l’enchaînement des 2 dernières étapes longues respectivement de 365 km et 490 km allait réduire à sa plus simple expression le temps de récupération. Arrivés à Nantes vendredi à 18h30 après avoir essuyé de fortes averses, notamment au cours de la nuit du côté de Cognac, nous étions au lit à 20h pour une courte de nuit d’à peine 3 heures… A 23h, tout le monde était en effet à nouveau réuni pour un petit déjeuner sur-réaliste, le second dans la même journée !

 

Le jour le plus long…

Voilà sans nul doute la meilleure façon de résumer la dernière étape nous conduisant jusqu’à Versailles. Le déroulement de ce dernier acte long de près de 490 km fut quelque peu chaotique en raison de l’état de fatigue des uns et des autres. 3 chutes heureusement sans gravités émaillèrent le parcours auxquelles s’ajoutèrent des erreurs de parcours à Tours et à Orléans qui nous firent perdre beaucoup de temps sur le timing prévu. Ces incidents eurent raison de mon calme et m’amenèrent à réagir avec une certaine virulence qui a pu sans doute blesser certains. J’ai même voulu mettre un terme à l’aventure à Rambouillet et faire monter tout le monde dans les véhicules d’assistance pour rejoindre Versailles tant la crainte d’un accident m’avait envahi. La sagesse du groupe et l’esprit de responsabilité dont su faire preuve certains nous permis toutefois de poursuivre l’aventure jusqu’au bout.

Les 50 derniers kilomètres furent sans doute les pires que j’ai eu à effectuer non pas à cause de la fatigue que je ne ressentais même pas mais à cause d’un stress de tous les instants.

Nous étions sur le point de réaliser quelque chose d’extraordinaire mais je n’étais plus en capacité de pouvoir le savourer à sa juste valeur. J’ai maudit ces derniers kilomètres, ces voitures nous frôlant, cette pluie qui s’invita jusque sur le parvis du château de Versailles pour ce qui devait être le cadre d’une arrivée royale. J’ai pédalé avec une rage intérieure que je n’avais jamais éprouvé jusqu’alors… Je regrette de n’avoir pu savourer notre arrivée car avec le recul, je prends conscience de ce que nous avons réalisé. Cette aventure est en effet allée bien au delà de ce que j’avais imaginé tant sur le plan humain que sportif. Seuls ceux qui ont pu y prendre part sont capables d’en mesurer sa dimension. Aussi, je tiens à remercier avec infiniment de reconnaissance toutes celles et ceux qui y ont pris part et qui m’ont accordé leur confiance pour mener à bien une telle épopée. Venus de divers horizons et ne nous connaissant parfois qu’au travers d’échanges sur les réseaux sociaux, chacun a fait preuve d’un formidable état d’esprit. Telle une petite famille unie et solidaire, nous avons effectué un tour de France exceptionnel et réalisé sans nul doute une performance dont peu de cycliste peuvent se vanter, toute prétention gardée.

On l’a fait !

Il sera sans doute difficile de rééditer un tel événement tant il demande un investissement important ce qui donne encore plus d’éclat à ce que nous avons réalisé. Me voilà en tout cas réconcilié avec moi-même et fier d’être parvenu à un tel résultat. Les 50 derniers kilomètres sont désormais oubliés et je ne retiens plus que les 2350 autres que nous avons parcourus pendant ces 6 jours de folie…

Un grand merci à tous les participants :
Jessica Bélisle, Pascal Paineau, Pascal Bride, Laurent Koskas, Rolland Collin, Jacques Barge, Thierry Pouyleau, Laurent Boursette, Cyrille Genel, Thierry Delhaye, Bruno Piesset, Urbain Bernardo, Christian Samon, Geoffrey Betrémieux.

Merci également à l’équipe d’assistance au top qui nous a accompagnée et sans laquelle nous n’aurions pu effectuer un tel périple :
Olivier Fedensieu, Marc Lalande, Thomas Dupin, Mickaël Gagne, Philippe Jouanole et Bruno Piesset (après son abandon).

Mention spéciale à Laurent Bruynooghe et à Dominique Grégoire ainsi qu’à toutes celles et ceux qui sont venus à notre rencontre.

Et pour finir, comment ne pas remercier Delphine et Coralie pour leur soutien tout au long de la préparation du projet et pour ce qu’elles m’apportent au quotidien.

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